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Autoportrait et Suicide
d’Édouard Levé

2010

« Je suis plus intéressé par la neutralité et l’anonymat de la langue commune que par les tentatives des poètes de créer leur propre langue, le compte rendu factuel me semble être la plus belle poésie non poétique qui soit. »

Édouard Levé, Suicide 

La compagnie de nuit comme de jour adapte au théâtre deux singuliers livres d’un artiste singulier: Edouard Levé, photographe et écrivain suicidé en octobre 2007 à l’âge de 42 ans. Levé a écrit Autoportrait en 2005 et Suicide en 2007. Dans le premier livre, laconique et drôle, il fait l’inventaire de lui-même. Sans effets, sans affects, il empile des phrases qui vont vite. Je chante faux, donc je ne chante pas. Comme je suis drôle, on me croit heureux. J’espère ne jamais trouver une oreille dans un pré. Je n’aime pas plus les mots qu’un marteau ou une vis. Dans le deuxième, il rejoue, d’une écriture presque blanche, le suicide d’un ami vingt ans plus tôt. Si les deux titres font autobiographie, ils atteignent aussi à une pleine valeur universelle. Sur scène, Autoportrait est joué en continu, et Suicide s’y ajoute certains soirs.

— Générique

Autoportrait suivi certains soirs de Suicide d’Édouard Levé

Mise en scène et adaptation Guillaume Béguin

Jeu Véronique Alain, Monica Budde, Piera Honegger, Joël Maillard, Jean-François Michelet

Scénographie Sylvie Kleiber

Lumière Dominique Dardant

Vidéo Radu Zero

Son Filippo Gonteri

Costumes Karine Vintache

Maquillage Sorana Dumitru

Assistanat à la mise en scène Francine Wohnlich

Stagiaire à la mise en scène Ludovic Payet

Stagiaire à la scénographie Vanessa Gerotto

Training Cindy Van Acker, Tamara Bacci

Administration Magda Rozga

Photos Hélène Göhring

Production déléguée Laure Chapel – Pâquis Production (reprise)

Diffusion Anne-Pascale Mittaz (reprise)

Production Compagnie de nuit comme de jour

Coproduction Théâtre du Grütli – Genève, Théâtre Arsenic – Lausane, Centre de Culture ABC – La Chaux-de-Fonds

Création du spectacle avec le soutien de la République et Canton de Genève, de la Ville de Lausanne, du Canton de Vaud, de la Loterie Romande, de ProHelvetia – Fondation suisse pour la culture, de la Fondation Dr. René Liechti, de la Ville de La Chaux-de-Fonds, du Canton de Neuchâtel et de la BCN – Fondation culturelle. Reprise du spectacle à Toulouse avec le soutien de la Ville de Lausanne et ProHelvetia – Fondation suisse pour la culture. Autoportrait / Suicide bénéficie de la promotion du Pour-cent culturel Migros

— dates

Les Abattoirs, Toulouse (F)
Autoportrait & Suicide
10 et 11 juin 2010
lesabattoirs.org

Théâtre Arsenic
Autoportrait
18 au 27 février 2010
Suicide
19 au 28 février 2010
arsenic.ch

Centre de Culture ABC
Autoportrait
28 au 31 janvier 2010
Suicide
30 janvier 2010
abc-culture.ch

Théâtre du Grütli
Autoportrait
12 au 24 janvier 2010
Suicide
15 au 24 janvier 2010
grutli.ch

— Photos du spectacle

© Hélène Göhring

— vidéo

Édouard Levé

Né à Neuilly-sur-Seine (F) le 1er janvier 1965, Édouard Levé s’est suicidé le 15 octobre 2007, âgé de 42 ans. Quelques jours avant sa mort, il avait remis à son éditeur, Paul Otchakovsky-Laurens, un manuscrit intitulé Suicide.
Édouard Levé était peintre, photographe et écrivain. Il a pratiqué la peinture de 1991 à 1996 puis a cessé de peindre pour se consacrer à la photographie et à l’écriture. Il a exposé dans de nombreuses galeries à Paris, notamment à la Galerie Loevenbruck, et dans toute la France. Il a participé à de nombreuses expositions collectives à Paris, Rome, Helsinki, … En 2004, il a été lauréat de la Villa Médicis Hors-les-Murs. Son travail photographique a fait l’objet de nombreuses monographies (Amérique, Fictions, Angoisse, Reconstitutions). Il est également auteur de quatre livres, publiés aux Éditions P.O.L, et qui ne sont ni des romans, ni des essais, ni de la poésie, ni des récits, mais plus probablement des inventaires, à l’exemple de Perec et de son Je me souviens. Ses quatre œuvres littéraires portent les noms de Œuvres, Journal, Autoportrait et enfin Suicide.

« La tarte Louis-Philippe me met plus en appétit que la bouillabaisse qui me dépayse plus qu’une montre à quartz qui m’est plus utile qu’un livre d’histoires drôles qui me fait moins rire que mon cousin Cyrille. »
— Édouard Levé, Autoportrait

Œuvres est un catalogue d’œuvre d’art dont l’auteur a eu l’idée, mais qu’il n’a pas réalisé. Journal est comme son nom l’indique une sorte de journal d’informations, qui contient différents chapitres : « International », « Société », « Economie », et même des programmes TV. Il s’agit de nouvelles que l’auteur a glanées dans la presse et qu’il a réécrites, en prenant soin d’ôter toute référence à des noms de lieux, d’entreprises, de pays ou de personnalités. Privés de leurs référents, les faits ainsi relatés gagnent en violence ou en stupidité ce qu’ils perdent en réalité : par un effet de distanciation, la trivialité des programmes TV, la violence des conflits ou la malhonnêteté des grands patrons et des dirigeants politiques deviennent bien plus criantes.

Le travail photographique d’Édouard Levé s’apparente à ce qu’il a réalisé pour Journal: ainsi par exemple, dans Reconstitutions, une série de photographies en couleur, il reconstitue des scènes tirées des actualités, des matchs de rugby, et même de films pornographiques, avec des figurants habillés en costumes de ville, aux visages doucement impassibles. En ôtant à la représentation de la réalité les signes que nous reconnaissons en premier lieu, il nous permet paradoxalement de mieux la voir. Ainsi les scènes de rugby ou de pornographie deviennent des ballets abstraits, les conférences de presse de dirigeants politiques évoquent de mauvaises mises en scène destinées à contrôler l’image et à préserver les intérêts de ceux qui les ont conçues.

Autoportrait et Suicide, s’ils adoptent eux aussi un ton que l’on pourrait qualifier de « froid » (Édouard Levé dit rêver d’une écriture « blanche »), font preuve d’une plus grande ambition et d’une certaine maturité littéraire. L’auteur photographe adopte ici un style extrêmement net, sans affect, d’une grande limpidité. Avec la précision d’un documentariste, une grande dose d’autodérision, mais aussi une certaine angoisse sous-jacente, il parvient à faire le portrait d’un homme dont le dernier acte (se donner la mort) accomplit singulièrement toute l’œuvre.

Note d’intention du metteur en scène

Dans son dernier livre, La barque silencieuse, Pascal Quignard note : « Tout le langage en nous, n’étant pas de souche, étant volé, est celui d’un menteur. Nous sommes sans noyau. La langue nationale est acquise veut dire : tout ce qui nous permet de nous différencier est acquis ». Je repense immédiatement à Levé : « J’aimerais écrire dans une langue qui ne me soit pas propre ». Il écrit cela dans Autoportrait. Et, un peu plus tôt : « Je rêve d’une écriture blanche, mais elle n’existe pas ».

« Il y a deux exils: l’intérieur et l’extérieur.
Le troisième, c’est la mort. »
— Copi

A six semaines de la première, après avoir déjà pas mal cherché avec les acteurs, je me demande à mon tour ce que peut être une « mise en scène blanche ». Une mise en scène qui ne serait pas altérée par le passage du temps, une mise en scène qui ne chercherait pas à « faire son intéressante ». Une mise en scène qui n’aurait pas de style. « Il faut faire des choix radicaux », me conseille-t-on souvent : imposer son point de vue, apposer à « sa » mise en scène le sceau de « sa » signature. Mais ce que je cherche ne s’exprime pas, du moins pas à l’aide d’une langue apprise. Ce que je cherche est une forme de secret à moi-même. Ce n’est pas l’expression d’une intériorité à l’aide d’une langue apprise, c’est une traduction. Une traduction « blanche » de ce qui opère en moi quand je lis Levé, une traduction qui s’écrirait avec des lettres (les corps des acteurs), sur une page blanche (un espace et une lumière). Une traduction presque littérale d’une sensation qui n’a jamais réussi – jusqu’à présent – à s’exprimer. Quignard, encore : « Nous avons commencé comme un secret pour personne, muet, embryonnaire, dans le noir ».
Ce que je cherche, c’est peut-être une mise en scène sans noyau. Ou dont le noyau resterait à jamais incompréhensible, incohérent et informe. Je ne veux pas produire du sens. Je veux aller au-devant de moi, et amener mes acteurs à aller au-devant d’eux-mêmes, comme Levé l’a peut-être fait lui-même en écrivant son Autoportrait. Le risque, bien entendu, est de ne trouver personne, tout au bout du compte. C’est-à-dire de découvrir que tout se qui nous concerne, les anecdotes, les souvenirs, les différentes couleurs de notre personnalité, tout cela n’est structuré autour d’aucun noyau identitaire, mais sert seulement à créer une agitation masquant notre absence de colonne vertébrale.
Cela, à six semaines de la première, m’intéresse beaucoup. Cela signifie que je dois tout emporter avec moi. Les textes de Levé, bien sûr, mais aussi les corps de mes cinq acteurs, leur humour, leur tension, leur douceur et leur engagement. Leur perte, leur-visage-qui-n’existe-pas, leur salto arrière et leur salto avant. Leurs questions et mes absences de réponse. Je dois prendre tout ça et créer un monde sauvage, un monde qu’on ne reconnaît plus, un monde dont on ne sait peut-être plus les règles. Cela donnera peut-être un chaos, mais le chaos est la seule forme qui ressemble vaguement à ce que nous avons au fond de nous. Toute tentative d’organisation se structure autour d’un centre ou d’une hiérarchie : il y a un début, il y a quelque chose de premier. Or, il n’y a peut-être pas de début. Il n’y a peut-être pas de centre. C’est ce que Levé fait sentir à travers Autoportrait et plus tard Suicide. Ce qui me permet de dire « je » n’est pas à moi.
Sarah Kane écrivait, à la fin de 4:48 Psychose : « C’est moi-même que je n’ai jamais rencontrée, dont le visage est scotché au verso de mon esprit ».

— dates

Les Abattoirs, Toulouse (F)
Autoportrait & Suicide
10 et 11 juin 2010
lesabattoirs.org

Théâtre Arsenic
Autoportrait
18 au 27 février 2010
Suicide
19 au 28 février 2010
arsenic.ch

Centre de Culture ABC
Autoportrait
28 au 31 janvier 2010
Suicide
30 janvier 2010
abc-culture.ch

Théâtre du Grütli
Autoportrait
12 au 24 janvier 2010
Suicide
15 au 24 janvier 2010
grutli.ch

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